COMPLEXE HIPPIQUE DU VERGON

REFLEXION SUR L'HYPERFLEXION

LES PHOTOS DE LA HONTE

Flagrants délits de Rollkür, hyperflexion et autres LDR. Après quelques hors-d'oeuvre savants, voyez M. Matthias-Alexander R*** faire parader T*** sur les pistes d'un paddock d'échauffement. Puis, pour vous réconcilier avec l'équitation, cherchez l'INTRUS! C'est évidemment à dessein que j'ai choisis comme intrus un cavalier qui ne soit ni français, ni allemand... La belle équitation est un art universel!

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REFLEXION SUR L'HYPERFLEXION

REFLEXION SUR L'HYPERFLEXION
 
À mes yeux, toute légitimation de l’hyperflexion est une catastrophe, car cela serait en contradiction formelle avec les principes de l’équitation classique. Pour le cavalier, la fin ne justifie pas les moyens. Un bon dressage est le résultat d’un long travail gymnastique du cheval ; on ne saurait remplacer cela par un quelconque moyen purement mécanique. Si donc l’on pense que le dressage est une éducation conçue pour le bien-être du cheval et pour sa protection, comment pourrai-t-on imaginer qu’un outil purement mécanique puisse être plus bénéfique ? Je suis persuadée que pour le cheval, habitué au réflexe de fuite, l’hyperflexion est une vraie torture. (Gabriele Pochhammer, rédactrice en chef de Reiten Sankt-Georg).

 
 
Suite à deux articles sur mes pages de FB, beaucoup d’entre vous m’ont demandé ce qu’était exactement le "rollkür", autrement appelé "hyperflexion" ou encore "LDR" (low, deep and round). Dans mes réponses, qui constituent forcément des propos d’étape, je vais essayer d’être le plus précis possible, ce qui n’est pas évident a priori, en raison du flou artistique dans lequel la Fédération Internationale d’Equitation semble vouloir maintenir le concept.

Première approche
Le terme de Rollkür est un vocable allemand, composé du mot roll- (de rollen, rouler, enrouler) et kür- (désignant l’entraînement aux figures libres). Il y a, dans le concept de Rollkür les trois notions de "bas", de "profond" et de "rond" concernant toutes trois le port de la tête et le maintien de l’encolure du cheval : c’est ce que traduit le terme d’hyperflexion, choisi par la FEI en 2006 pour remplacer celui de Rollkür.
L’hyperflexion ne peut se définir comme une action, mais plutôt comme une méthode.
Elle passe pour être une technique consistant à travailler le cheval "bas" et "rond", monture placée en équilibre, ligne du dessus tendue, garrot bien sorti, l’arrière-main rassemblée sous la masse.
A priori, rien de bien grave pour la santé du cheval, dirait-on, bien au contraire : on recherche une musculature soigneuse du dos et un développement progressif de la qualité des allures.
En réalité, c’est un peu plus complexe.
La méthode est essentiellement utilisée par les compétiteurs de bon aloi, bénéficiant des meilleures cotes dans le monde récent du dressage. La néerlandaise Anky van Grunsven et son sulfureux mari et entraîneur Sjef Janssen en sont les chantres les plus illustres.
Si l’on tente de définir la méthode en visualisant les vidéos et photos de leurs séances d’entraînement et de détente, on peut, en première approche, tenter une définition de l’hyperflexion qui ressemblerait à celle-ci : manier un cheval contraint dans une attitude caractérisée par le nez dans le poitrail, l’encolure en extension extrême, les parotides écrasées, le champ de vision en grande partie amputé et, de fait, réduit à sa plus simple expression.
À en croire les tenants de la méthode, ce serait le nec plus ultra de l’efficacité à cheval. On regarde et, si l’on n’y fait pas trop attention, on en retire l’impression gênée d’équilibre forcée et de souplesse imposée à une monture totalement derrière la main, scandaleusement encapuchonnée, absolument bloquée au niveau de la masse musculaire du garrot. Tout ça pour quoi ? Pour arrêter la torture au moment même où l’on souhaite que le cheval retrouve une motricité de bien-être comme par soulagement : ouf ! c’est fini. Le cheval est heureux d’avoir pu se libérer…

La polémique
Cette technique, empruntée par nombre de grands cavaliers sportifs, tant de dressage que de saut, se trouve impliquée dans la plus grande polémique qui ait agité le monde équestre depuis fort longtemps.
S’agit-il d’une nouvelle manière de placer l’encolure du cheval, plus ou moins issue de la manière Baucher des flexions ?
Ou bien, s’agit-il, au contraire, d’une intervention musclée et coercitive sur la nuque du cheval, tellement douloureuse, que la monture est placée sous contrainte totale et ne peut échapper à la soumission forcée ? Un peu comme une prise de lutte, du type clé de police, qui consisterait à bloquer un bras dans le dos jusqu’à ce que la douleur devienne tellement intense que les endomorphines se mettent en action : lorsqu’on abandonne soudain la contrainte, il s’en suit un tel moment de détente que la victime en devient quasiment euphorique.
Qu’est-ce qui se passe en réalité ?
En réalité, les procédés d’hyperflexion ne sont en usage que dans les paddocks d’entraînement, pendant les séquences d’échauffement ; jamais pendant le déroulement des épreuves publiques. Tout se passe comme si la méthode devait conserver son caractère ésotérique et que seuls, les vrais initiés (entendez par là les "très grands champions") y auraient accès.
C’est ce qui fait discussion. Spontanément, le monde de l’équitation classique s’est rebiffé contre ce qu’il considère en résumé comme une maltraitance animale. Ses arguments sont tirés de la pratique même de l’hyperflexion : l’effet de main agressif  renversant la tête du cheval vers son poitrail entraîne une extension maximale de l’encolure et réduit le champ de vision à l’aire d’évolution des membres antérieurs, retirant à la monture strictement toute possibilité d’anticipation et la soumettant totalement aux exigences du cavalier ; encapuchonné à l’extrême, le cheval souffrira de douleurs cervicales, de migraines et de blocages vertébraux.
Ce n’est évidemment pas l’avis des tenants de la méthode. Eux sont d’abord partisans de la parfaite soumission du cheval : c’est leur leitmotiv. Pour obtenir cette obéissance maximale, tous les moyens sont bons. Leur crainte majeure, synonyme de perte de points dans les concours, est que leur cheval se défende en tentant d’échapper au contrôle de leur main. Ils ont bien compris qu’un cheval travaillant sous la contrainte d’une encolure totalement enroulée vers le bas n’a aucune chance de se défendre et qu’ensuite, pendant les quelques minutes qui suivent sa libération, le cheval va donner le maximum de son perçant. C’est tout ce qu’ils recherchent. Ils échauffent sous encapuchonnement extrême, libèrent le cheval juste avant d’entrer sur le rectangle de démonstration et déroulent leur épreuve avec un cheval donnant tous les signes extérieurs de "l’athlète heureux" !

Chronologie de la discussion autour de l’hyperflexion (1969-2010)
Je me souviens qu’à la fin des années 60 du siècle dernier, nous avions à Saumur des discussions sans fin au sujet d’une méthode introduite alors sur les terrains de concours par Alwin Schockemöhle : l’usage d’enrênements pendant les CSO, et tout particulièrement des rênes allemandes.
Nous nous perdions alors en conjectures sans fin sur les conséquences possibles de l’emploi de ces enrênements à levier coercitifs et pressentions les dommages qu’ils occasionneraient irréversiblement au niveau du dos des montures ainsi contraintes.
On était au début de la mode de la posture équine forcée vers le "bas". Qu’elle vînt d’outre-Rhin ne nous étonnait qu’à demi ; qu’elle fût préconisée par des compétiteurs internationaux qui s’adonnaient par ailleurs au commerce intensif de chevaux ne nous inspirait rien qui vaille.
Vinrent alors sur les grands rectangles de dressage le westphalien Rembrandt et sa cavalière Nicole Uphoff. Le couple allemand gagne son premier Grand Prix en 1987, près de Lausanne, en Suisse. Il récoltera treize médailles d’or et deux d’argent. Uphoff pratiquait-elle le Rollkür avec Rembrandt ? Pas forcément évident à affirmer si l’on s’en tient à cette définition ambiguë de la FEI : "il y a Rollkür lorsqu’il y a contrainte". S’en tenir strictement à cette définition et voir Rembrandt venir s’encapuchonner à fond sur l’action d’un simple filet, interpelle à juste titre et renvoie à la tension exercée sur les rênes, fussent-elles de filet. Personnellement, je ne peux croire que l’hyperflexion doive être analysée comme le fait officiellement la FEI ; mais nous y reviendrons.
Rapprochons-nous encore un peu : nous sommes en 2004. Martin Schaudt sur Weltall s’était fait copieusement éreinter pour cruauté par des spectateurs au CHIO d’Aix-la-Chapelle. L’année d’après, Isabell Werth sur Satchmo et Anky van Grunsven sur Salinero se font sévèrement tancer par le juge Christoph Hess pour les méthodes d’entraînement qu’elles utilisent toutes deux. Au printemps 2005, Sjef Janssen, l’entraîneur d’Anky van Grunsven, entre en polémique ouverte via Internet et menace de déposer plainte pour détournement abusif d’image contre une détractrice de sa méthode d’entraînement qui vient de publier des photos selon lui compromettantes, témoignant en fait des méthodes d’entraînement imposées à van Grunsven par son entraîneur.
Les choses commencent à bouger sérieusement. La très célèbre revue allemande Reiten St-Georg s’empare de l’affaire Rollkür sous le titre évocateur de "Dressur pervers", titre qui pourrait se traduire par "Dérives du dressage". L’auteur de l’article, après avoir rappelé d’abord que "le dressage du cheval comprend son instruction gymnastique et son éducation soignée, dans le but de développer chez lui ses capacités naturelles et de le faire progresser dans ses performances. Le dressage lui permettra aussi de conserver une bonne santé et finalement permettra à son cavalier d'atteindre une certaine harmonie avec lui" (Bulletin des Directives allemandes pour l'équitation et l'attelage, tome II, p. 9). Puis, il compare les pratiques officieuses de l’entraînement avec les prescriptions des Directives : "En aucun cas le cavalier ne doit confondre l´équitation de dressage avec du surentraînement. Inculquer au cheval des artifices ou astuces n'est en aucun cas le but ni la raison d´être de l´éducation en dressage". Et Reiten St-Georg de conclure : "Est-ce que ceci (la méthode Rollkür) – commençant sur les paddocks et finalement sanctionné par les juges avec les meilleures notes – peut encore s’appeler "harmonie" ? Ou bien faut-il considérer le scénario qui se répète de week-end en week-end comme un combat de l'homme contre la bête ? De nombreux spectateurs sont ramenés à la réalité lorsqu'ils découvrent l'entraînement sur les paddocks de détente lors des grandes épreuves. Ce qu'ils y voient est-il en fait le vrai visage du dressage de haut niveau ? Ceux qui passent assez près des paddocks de détente entendront des gens se poser la question de savoir comment se passe l'entraînement à la maison, quand le public est absent".
Las Vegas 2005, Championnat du monde. Anky van Grunsven est à l’échauffement sur Salinero, sous la houlette de Sjef Janssen. Des spectateurs s’offusquent de la méthode utilisée par les deux spécialistes de rollkür et vont se plaindre aucommissaire de paddock, exigeant que celui-ci émette un blâme d’avertissement à l’encontre de la cavalière et de son entraîneur. La présidente de la commission de dressage de la FEI croit devoir se mêler de cette affaire en la qualifiant de broutille et en expliquant que "Oui, Salinero avait été mis dans une attitude basse comme il est d’usage de le faire désormais". Cette brave présidente, qui venait de consacrer naïvement la légitimité de la méthode LDR, avait exposé également que les juges ne sanctionnaient que ce qu’ils voyaient sur les rectangles de dressage et non ce qui se passait dans les paddocks, hors de leur vue. C’est pourquoi, Anky et Salinero avaient obtenu des notes record, le juge allemand Uwe Mechlem allant même jusqu’à leur attribuer 10,0 pour la chorégraphie. Prié d’émettre un avis sur la méthode d’entraînement utilisée par la recordwoman van Grunsven, le même juge s’étonna et fit semblant de ne rien en savoir, démontrant par là-même que les juges étaient absolument complices des mauvaises manières appliquées aux chevaux dans les paddocks d’entraînement.
La FEI estime enfin qu’il lui faut à présent intervenir. Le 31 janvier 2006, sous la pression générale, elle convoque à Lausanne une conférence sur la thématique "Rollkür" : 60 participants, tous professionnels chevronnés de l’équitation ou de la médecine vétérinaire. Résultat proche de zéro. On a quand même décidé que dorénavant on remplacerait les termes de "Rollkür" et "LDR" par celui d’hyperflexion ; mais on s’est empressé d’ajouter qu’aucune analyse scientifique n’autorisait de dire que la méthode d’entraînement LDR mise en cause constituait une maltraitance du cheval. À l’unisson, cet atelier savant affirmait toutefois que la méthode basée sur l’hyperflexion ne devait être utilisée que par des professionnels très expérimentés en attendant que soient menées de sérieuses recherches scientifiques sur ses conséquences prévisibles.
En fait, la montagne venait d’accoucher d’une souris. L’hyperflexion n’avait subi aucune condamnation. On s’était contenté de mettre en garde les cavaliers amateurs contre les effets pervers de son utilisation par des novices non-professionnels toujours tentés d’imiter les grands champions. Position aussi incompréhensible qu’injustifiable.
Au lieu de retomber, la polémique s’amplifie de plus belle.
Le scandale devient progressivement public, même s’il reste soft et  feutré. La presse s’en fait l’écho. Un certain nombre de cavaliers s’émeuvent ; des organismes s’emparent du sujet. À partir du printemps 2009, la crise s’aiguise, avec l’implication de nombreuses sommités internationales.
 
Le français Christian Carde, juge international, ancien cavalier international de dressage et ancien entraîneur national, ancien écuyer en chef du Cadre Noir, ainsi que de nombreux professionnels de notoriété internationale mettent le problème sur la table par l’intermédiaire d’une pétition et en prenant appui sur les dispositions des articles 401 et 419 du Règlement de Dressage de la FEI. Le texte de cette pétition public est ainsi libellé :
 
"Nous demandons à la FEI de faire appliquer strictement son règlement des compétitions de Dressage, particulièrement l’Article 401 – But et Principes Généraux du Dressage- dans l’esprit de l’Article 419".
 
Texte de l’article 401 :
 
"1. Le Dressage a pour but le développement du cheval en un athlète heureux au moyen d’une éducation harmonieuse. Il a pour conséquence de rendre le cheval calme, souple, délié et flexible mais aussi confiant, attentif et perçant, étant ainsi en parfaite harmonie avec son cavalier. Ces qualités se manifestent par :

"
2. La franchise et la régularité des allures;
• L'harmonie, la légèreté et l'aisance des mouvements;
• La légèreté de l'avant-main et l'engagement des postérieurs, dont l'origine vient d’une impulsion toujours en éveil;
• La soumission au mors, sans aucune résistance ni défense, c'est-à-dire avec une décontraction totale".

"3. Le cheval donne ainsi l'impression de faire de son plein gré, ce qui lui est demandé. Confiant et attentif, il se livre généreusement aux demandes de son cavalier, restant absolument droit dans tous les mouvements en ligne droite, et ajustant son incurvation à la courbure des autres lignes.

"4. Son pas est régulier, franc et aisé. Son trot est libre, souple, régulier et actif. Son galop est régulier, léger et en équilibre. Ses hanches doivent se montrer actives en toutes circonstances. Elles répondent au moindre appel du cavalier et animent par leur action toutes les autres parties du cheval.

"5. Grâce à son impulsion toujours en éveil et à la souplesse de ses articulations qu'aucune résistance ne paralyse, le cheval obéit de bon cœur et sans hésitation, avec calme et précision, aux différentes actions des aides, manifestant un équilibre naturel et harmonieux tant physiquement que moralement.

"6. Dans tout son travail, y compris à l'arrêt, le cheval doit être "dans la main". Un cheval est dit "dans la main" quand l'encolure est plus ou moins soutenue et arrondie selon le degré de dressage et suivant l'amplitude ou le rassembler de l'allure. Il manifeste une soumission par un léger et moelleux contact de la bride et une décontraction totale. La tête doit rester fixe et, en règle générale, le chanfrein légèrement en avant de la verticale, la nuque souple étant le point le plus haut de l'encolure, le cheval n'opposant aucune résistance à son cavalier.

"7. La cadence se manifeste au trot et au galop et résulte de l'harmonie générale que montre le cheval lorsqu'il se déplace avec régularité, impulsion et équilibre. La cadence doit être maintenue dans tous les exercices au trot et au galop et dans toutes les variations de ces allures.

"8. La régularité des allures est une qualité fondamentale dans le dressage
".
La pétition publique "JUST SAY YES TO 401" de Carde & alii indique clairement, en reprenant les textes officiels :
"Une nuque souple «plus ou moins soutenue et arrondie selon le degré de dressage et suivant l'amplitude ou le rassembler de l'allure» représente la façon la plus anatomiquement, physiologiquement et bio-mécaniquement correcte d’assurer le développement d’un cheval de dressage. Sans une nuque souple on ne peut pas obtenir un cheval «calme, souple, délié et flexible mais aussi confiant, attentif et perçant».
"L’application du règlement implique que la FEI ne peut pas approuver le LDR, ou toutes postures enroulées qui ne s’accordent pas avec les Standards du Règlement de la FEI. De plus, la FEI doit insister pour que les juges, cavaliers et entraîneurs respectent le règlement et l’Article 401 dans l’entrainement du cheval en général mais aussi pendant la détente dans les compétitions. Dans ce but nous demandons que soit rappelé le point §10 du règlement général qui indique que le règlement doit être appliqué partout, pas seulement sur les terrains de compétition.
"Comme l’indique l’Article 419, le rôle de la FEI est de protéger l’art équestre contre les abus qu’il pourrait subir et de transmettre les principes généraux dans leur intégralité aux futures générations de cavaliers.
"Enfin, le jeu est faussé lorsque tous les cavaliers ne suivent pas les mêmes règles et lorsque ceux qui les bafouent ne sont pas punis.
En conclusion :
1. Nous demandons que la FEI fasse appliquer le règlement dès maintenant – l’article 401 en particulier.
2. Nous demandons que le point §10 du Code de Conduite soit rappelé.
3. Nous protestons vigoureusement contre le LDR et nous nous érigeons contre tout changement dans le règlement de Dressage, en particulier le point §6 de l’Article 401. Le LDR n’est pas approuvé par le règlement et ne doit jamais l’être.
4. Nous demandons à la FEI de considérer qu’en permettant que ne soit pas appliqué son règlement elle pénalise les cavaliers qui respectent celui-ci. L’égalité des chances implique que tous les cavaliers obéissent aux mêmes principes".
Philippe Karl, l’auteur de "Dérives du Dressage Moderne" entre dans la danse ; avec l’appui officiel du Dr vétérinaire allemand Gerd Heuschmann, l'auteur d'un ouvrage critiquant sévèrement la tendance moderne à encapuchonner le cheval, analysée du point de vue vétérinaire et représentant les associations allemandes de protection animale.
Le 27 mars 2009, Karl adresse une première lettre à la direction de la Fédération Equestre Allemande (FN) ; en voici le texte intégral :
"Madame, Monsieur,
"Sous la pression d’une professionnalisation du sport et d’impératifs économiques, au fil des trente dernières années l’équitation officielle a changé de visage.
"Censé constituer la base de la formation des enseignants et donner l’exemple d’une éducation classique du cheval, le dressage a dégénéré en une exploitation sommaire par la contrainte. Une énorme proportion de chevaux en fait les frais dans une indifférence quasi générale des autorités.
"À tous les niveaux, des fédérations nationales à la FEI, que ce soit par ignorance ou par complaisance, les juges ont insidieusement laissé l’inacceptable devenir la norme. Cette tragique dérive est mondiale. Elle aboutit en termes d’éthique et d’esthétique à une grave régression culturelle. Les rangs de ceux qui rejettent cette équitation ne cessent de grossir.
"Il revient à la Fédération Equestre Allemande (FN), qui jouit d’une position dominante dans le monde du dressage, de prendre la tête d’une réforme qui l’honorerait.
"Il serait illusoire de croire qu’une habile manipulation de la «Skala», quelques belles phrases sur « l’harmonie », « la gymnastique du cheval » ou « l’équitation classique » puissent donner le change. En revanche, des règles de bon sens, radicales et simples à mettre en œuvre, pourraient à la fois protéger les chevaux, faire échec aux tricheurs et promouvoir un dressage sain.
"C’est ainsi que j’ai l’honneur de proposer à la FN d’intégrer les règles concrètes qui suivent.

"1. Que ce soit à la longe ou en selle, les enrênements reliés à la bouche sont interdits. La longe doit toujours se trouver fixée sur un caveçon.
"2. Au travail comme en présentation, les muserolles serrées sont interdites. (Présenter sans muserolle est autorisé.)
"3. L’inspection de la bouche est effectuée systématiquement avant d’entrer en piste. Toute blessure est éliminatoire.
"4. Un cheval blessé à l’éperon élimine le cavalier.
"5. L’encapuchonnement (chanfrein en arrière de la verticale) est sanctionné à chaque figure par une note n’excédant pas 3.
"6. Les mâchoires bloquées, langues remontées ou sorties, grincements de dents, sont sanctionnés à chaque figure par une note n’excédant pas 4.
"7. L’extension d’encolure (attitude longue rapprochant la crinière de l’horizontale, le chanfrein restant en avant de la verticale) figure au programme de toutes les reprises, aux trois allures et aux deux mains.
"8. Le pas redevient une allure à part entière, représentant jusqu’à 30% des points, au moins dans les reprises des niveaux E, A, L et M. La latéralisation du pas (pas se rapprochant de l’amble) est éliminatoire.
"9. Dans les tests de dressage comme dans les ventes, les jeunes chevaux sont présentés dans l’extension d’encolure, aux trois allures, et au trot ENLEVÉ.
Avec l’expression de mes sentiments distingués".
Simultanément, Philippe Karl lance une pétition publique sur la base du contenu de sa lettre.
Après toutes ces annonces, la polémique est à son comble. Le public s’en mêle directement. Les cavaliers amateurs aussi. Orage sur l’Internet. La FEI réagit en convoquant une conférence de spécialistes pour le 9 février 2010.

La table ronde de la FEI du 9 février 2010
Cette table ronde fut l’occasion d’échanger quelques amabilités d’arrière-cour entre les partisans de l’hyperflexion (l’immense majorité des participants) et un très petit nombre de détracteurs qui se trouvaient parfaitement isolés et noyés dans le flot des communications pro-Rollkür. Voyant ce déséquilibre délibéré, Klaus Balkenhol, champion olympique de dressage et entraîneur de l’équipe américaine de dressage saisit l’occasion pour rédiger une lettre pétitionnaire à la FEI. Elle exprimait en gros les mêmes revendications que les pétitions de Carde et de Karl.
Il s’agissait de résoudre définitivement les problèmes posés par l’hyperflexion et ses diverses manifestations dans le monde sportif.
Outre Balkenhol, les signataires étaient tous d’éminents représentants de l’équitation allemande, tels : Dr Gerd Heuschmann, président délégué de l’association Xénophon (qui fait référence en Allemagne pour les questions d’équitation classique), d’autres éminentes signatures de chez Xénophon ; Laura Bechtolsheimer, triple championne d’Europe ; Ingrid Klimke, championne olympique, et fille de feu mon ami Reiner Klimke ; la veuve de ce dernier, Ruth Klimke, vice-présidente de la FN ; Debbie Macdonald, médaillée olympique ; Martin Plewa (ancien entraîneur fédéral allemand, directeur de l’Ecole de Westphalie ; Klaus martin Rath, entraîneur, membre de la commission de dressage du DOKR et père de Matthias Rath ; Heinrich Romeike, champion olympique ; Hubertus Schmidt, champion olympîque ; Günter Seidl, médaillé olympique ; Hans-Günter Winckler, champion toutes catégories de saut d’obstacles ; et de nombreuses autres signatures célèbres.
Les signataires de la lettre de Balkenhol soulignent à l’intention de la FEI qu’il leur paraît tout à fait inutile de changer les règles actuelles du dressage classique telles qu’elles sont énoncées dans le Règlement officiel. Le corps de doctrine formé par les principes de base de l’équitation classique, auxquels la FEI avait jusque-là pleinement adhéré, est amplement suffisant et pertinent. Il est reconnu comme tel dans le monde entier. Issu de l’expérience séculaire, il constitue une fondation solide et inébranlable et reste parfaitement d’actualité pour l’équitation moderne. Il serait donc tout à fait inopportun d’introduire des changements qui pourraient négativement affecter le bien-être des chevaux et leur intégrité physique ou morale.
Comme c’était prévisible, la conférence de la FEI échoua en dérapant sur les mots. Le communiqué officiel était néanmoins triomphaliste : après un débat constructif l’opinion générale des participants est que tout encapuchonnement du cheval obtenu par un quelconque artifice contraignant est inacceptable. La conférence a livré une définition du concept d’hyperflexion/Rollkür comme étant l’obtention d’un enroulement d’encolure par l’exercice d’une force agressive et partant inacceptable.
 
En revanche, la technique connue sous le nom de LDR (low, deep and round dans la première version du communiqué ; long, deep and round dans la seconde version), qui préconise l’enroulement de l’encolure sans exercice de contrainte, est acceptable.

La FEI se propose par ailleurs d’étudier une série de mesures supplémentaires, y compris l'utilisation d'un circuit fermé télévisé sur les paddocks d'échauffement/détente.
Le groupe de travail a également souligné que le premier responsable du bien-être du cheval est son cavalier.
C’est la parfaite confusion de langage. Philipe Karl le souligne aussitôt :"La FEI a courageusement décidé de ne rien décider. La Rollkür n’est pas autorisée officiellement, mais l’attitude reste d’actualité sous un autre nom (LDR). Le règlement ne change pas et tout continuera comme avant, dans l’hypocrisie la plus parfaite".
Pour Karl et les autres il n’y avait pas lieu d’abandonner le combat. L’aubaine, c’était que la Fédération allemande rejoignait le camp des opposants à l’hyperflexion. En fin de conférence, le Dr Düe avait déjà indiqué le mépris dans lequel il tenait le stratagème de la FEI consistant à reformuler les concepts pour séparer l’acceptable de l’inacceptable. Mais quelques jours plus tard, lors d’un séminaire fédéral à Warendorf il livre sa propre définition : "l’hyperflexion, c’est la flexion excessive d’une ou de plusieurs articulations susceptible d’entraîner des lésions douloureuses".
 
Prenant appui sur ce type de considération, la FN tout entière bascula dans le camp des adversaires de l’hyperflexion en rappelant que la décontraction restait, quelque soit la discipline équestre, un objectif essentiel et que les critères de cette décontraction étaient les suivants : expression de satisfaction du cheval, élasticité des allures, faculté de détendre ou de retendre les muscles, activité correcte de la bouche et de la mâchoire et, enfin, une respiration bien rythmée indiquant que le cheval est physiquement et mentalement détendu.
 
La FEI, ne souhaitant pas perdre la face, fit, comme Clémenceau en son temps : espérant enterrer le problème, elle créa une commission, à la tête de laquelle elle plaça Frank Kemperman, le président de la commission fédérale de dressage et organisateur des meetings d’Aix-la-Chapelle. Avec Kemperman, siégeaient : John Roche, responsable du département fédéral de saut et chef-commissaire pour l’ensemble des disciplines équestres ; Trond Asmyr, chef du département fédéral de dressage et représentant des juges de dressage ; Richard Davison, représentant des cavaliers ; Wolfram Wittig, représentant des entraîneurs ; enfin, Jacques van Daele, commissaire en chef des paddocks de dressage. Mission assignée à la commission Kemperman : "élargir les lignes directrices actuelles et élaborer des principes de conduite définissant clairement ce qui est autorisé ou non dans le domaine de l’entraînement du cheval de compétition, de manière à faciliter la mise en œuvre du contrôle des méthodes d’entraînement".


Dernière bataille… avant la suivante : décision de principe de décembre 2010
Après la réunion du début février 2010, le 25 du même mois, le Dr Robert Cook, vétérinaire équin diplômé du Collège Royal de Médecine Vétérinaire Britannique, ancien chef du Service de Chirurgie équine et professeur émérite de l'Université de Tuft, également inventeur du bridon "bitless", a rédigé une lettre ouverte à la FEI concernant sa récente et ambiguë prise de position par rapport à la pratique du Rollkür.
D'après lui, la FEI a vraiment manqué une opportunité de réforme dans cette affaire. Pour rappel, le 9 février 2010, une table ronde organisée par la FEI au sujet de l'hyperflexion avait conclu que "toute position de la tête ou de l'encolure obtenue de façon brutale était inacceptable et que toute équitation agressive devait être sanctionné..." mais aussi que "la technique connue sous le nom de Low, Deep and Round (LDR) qui permet d'obtenir une flexion sans faire appel à une force excessive était acceptable".
Le Dr R. Cook déclare que la FEI a contourné le problème par un changement de dénomination de cette pratique douteuse."Low, Deep and Round, est tout simplement un synonyme pour Rollkür, hyperflexion et courbure excessive de l'encolure...Un tour de passe-passe sémantique ne mettra pas fin à cette regrettable pratique".
Il rappelle également que les lignes de conduite sur le degré de flexion existent déjà dans le Règlement FEI et que c'est un point facilement contrôlable par les commissaires au paddock. Il y est dit que "le cheval doit être sur le mors : la tête devant rester dans une position stable, telle une règle légèrement en face de la verticale..."
Pour Robert Cook, il n'y a donc aucune raison de réaliser des changements, tout ce que la FEI a à faire est d'appliquer réellement la réglementation en cours. La reconnaissance de la technique LDR est une transgression du règlement FEI.
Il soulève également le problème des définitions de "équitation agressive" et "force excessive", points faibles que tout avocat qui se respecte pourra tourner en sa faveur. Enfin, la phrase "la responsabilité du bien-être du cheval incombe principalement au cavalier" sous-entend un désengagement de la responsabilité de la FEI, ce qui va à l'encontre de toute la politique de sport propre récemment menée.
Pour ce vétérinaire reconnu, "la question aurait dû être débattue de façon ouverte, sur des bases anatomiques et physiologiques, et non pas par un consensus, les vérités scientifiques n'étant jamais déterminées par un vote".
C’est reparti. Rien n’est fait. Tout reste à faire.
Il aura fallu accumuler encore de nombreuses signatures aux pétitions mises en circulation par des personnes influentes, dont Pat Parelli, pour que la FEI daigne condamner, en décembre 2010, cette pratique et l’interdire dans toutes les disciplines équestres. En visionnant une vidéo où un cavalier pratique l’hyperflexion en période d’échauffement et où la langue de son cheval devient bleue, la FEI a enfin pris conscience de l’ampleur des effets secondaires de cette méthode barbare. Elle a alors déclaré qu’elle se préoccupait du bien-être du cheval et que, par conséquent, elle ne pouvait approuver cette technique.
La vraie question d’actualité devient alors : La FEI pourra-t-elle contrôler le travail de tous les cavaliers en période d’échauffement? On peut évidemment en douter.
Et on a eu raison d’en douter. Car les petits génies du Rollkür pourraient bien avoir découvert une nouvelle technique magique qu’ils viendraient alors partager partagera aux Jeux olympiques de Londres, en 2012…
Et, de fait, l’histoire semble un éternel recommencement, à en juger par la photo ci-dessous.

Aspects techniques de l’hyperflexion
L’un des principes classiques de conduite du cheval enseigne que la tête du cheval doit en toutes circonstances rester légèrement en avant de la verticale, et ce d’autant plus que le cheval est jeune. Corollairement, l’équitation traditionnelle condamne tout encapuchonnement en estimant qu’une telle attitude favorise la fuite des moyens de transmission de l’impulsion.
Baucher avait bien introduit le concept de flexion de la nuque, directe ou latérale. Mais les flexions, lorsqu’elles étaient exécutées ne dérogeaient que rarement au principe de verticalité du chanfrein. Même le ramener outré de Baucher ne se pratiquait que dans le rassembler parfait et jamais en force ; rien à voir avec la façon dont s’y prennent les adeptes de l’hyper flexion. Bien au contraire, lors d’un enroulement de l’encolure, que l’on peut être conduit à solliciter dans certaines occasions, les mains du cavalier suivent l’enroulement, mais ne le provoquent jamais. Christian Carde souligne bien, dans une interview donnée récemment, qu’il faudrait un long apprentissage du cavalier pour que ce procédé puisse être employé avec bonheur. Or notre époque ne le permet pas par manque d’écuyers qui le maîtriseraient, mais aussi parce que long apprentissage et compétition équestre semblent définitivement s’exclure l’une l’autre.
Le concept d’hyperflexion va d’ailleurs bien au-delà de celui de flexion. Pour s’en faire une idée juste, observons soigneusement ce qui s’est passé lors de la détente d’un championnat du monde des jeunes chevaux de dressage : ce sont les cavaliers néerlandais qui sont à la manœuvre.
"Images parallèles : le cheval se mord le poitrail. Le cavalier tire la tête du cheval de gauche et de droite sur des rênes extrêmement écartées, les mains devant le ventre. Il s'arrête, tire à nouveau sur les rênes, un rapide coup d'éperon, le cheval se met au trot. Pas même trois mètres plus tard, il s’arrête à nouveau. Le cavalier tend ses jambes vers l'avant et se penche de tout son poids en arrière. Et il tire à nouveau de droite et de gauche. Le nez du cheval se porte à presque 45° en arrière de la verticale, son encolure est enroulée. Au moment même où le cheval s'arrête, la jambe du cavalier est déjà prête pour un nouveau coup d’éperon. L’éperon derechef, un nouvel arrêt, suivi de nouveaux tiraillements de gauche et de droite".
Des scènes de ce type sont devenues monnaie courante sur les paddocks de détente. Les Hollandais et bien d’autres s’y essaient quotidiennement.
L’hyperflexion consiste à exercer sur la tête du cheval, pendant une durée prolongée, un effet de main en traction tel que les naseaux de l’animal soient rapprochées tout près du poitrail, ce qui a évidemment pour conséquence un enroulement excessif de l’encolure et un placer de chanfrein très en arrière de la verticale.

Effets collatéraux de l’entraînement en hyperflexion
Un cheval positionné en hyperflexion de l’encolure est incapable de se rassembler correctement, la position de la tête s’opposant fortement à l’engagement des postérieurs sous la masse. Et d’ailleurs une étude scientifique conduite à Zurich démontre que l’hyperflexion de l’encolure entraîne très nettement un raccourcissement des allures et un décalage des postérieurs vers l’arrière du quadrilatère de sustentation normal.
Deuxième constat scientifique, fait à l’université d’Utrecht par le Pr René van Weeren : la gestuelle locomotrice se restreint sous l’effet de l’hyperflexion cependant que l’effet de reptation de la ligne dorsale s’accentue par rapport au rassembler, ce qui aurait un effet gymnastique bénéfique.
Troisième constat : on ne sait pas interpréter correctement et on n’a d’ailleurs pas cherché à interpréter ce phénomène d’amplification de l’effet de reptation et, notamment ignore-t-on s’il induit ou non un raidissement du rachis, lequel expliquerait le raccourcissement des allures.
Une autre étude, entreprise sous la direction du Pr Eric van Breeda à l’Université de Maastricht semble indiquer que les chevaux régulièrement entraînés sont moins sensibles au stress consécutif à l’hyperflexion que les simples chevaux de loisir.
Dans le même ordre d’idées, Andrew McLean affirme que tout cheval qui ne peut se défendre par la fuite contre une source de stress se résigne, quelques soient les effets véritables sur sa santé physique ou mentale.
Sur des chevaux régulièrement et intensément entraînés par le recours à l’hyperflexion, on a pu constater des déchirures musculaires, des arrachements et l’inflammation des ligaments cervicaux, des compressions extrêmes, des déformations, inflammations et/ou indurations des glandes parotides.
De la sorte, un cheval régulièrement entraîné en hyperflexion apprend en fait qu’il n’a strictement aucune chance de pouvoir se défendre, peu importe si l’exercice est au-dessus de ses moyens, s’il y perd son équilibre, s’il se met à stresser un maximum. La clé de judo à la nuque est là pour l’empêcher de protester contre une situation de totale soumission de laquelle il ne peut s’affranchir.
Le dos de l’animal est ainsi contraint au maintien en position voussée vers le haut ; la musculature est tendue jusqu’au raidissement ; les cervicales sont exagérément enroulées ; le champ de vision est restreint. Physiquement et psychiquement, le cheval est sous extrême pression.

La difficulté d’application des recommandations de la FEI
Officiellement, tout ce qui compte dans le monde équestre a l’air d’accord ou presque.
Mais il reste un problème essentiel à résoudre : les épreuves de dressage (et les autres) sont jugées sur le terrain par des juges qui ne sont pas toujours disposés à se mêler de ce qui ne les concerne pas, savoir de ce qui se passe en dehors des rectangles officiels. Autrement dit, le paddock de détente ne ressort pas de leur juridiction, soutiennent-ils. À cet égard, un juge international de Grand Prix explique, lors d’un interview à Reiten St-Georg en pleine phase critique que nombre de ses collègues, tout comme lui-même, n’avaient pas été formés pour détecter si un cheval engage réellement les postérieurs ou se contente de "pédaler" du devant pendant qu’il ne se passe rien derrière.
Qu’à cela ne tienne ; la FEI édite un nouveau fascicule à l’usage des juges en expliquant comment évaluer chaque exercice et comment le noter. Même ceux qui ne jugent qu’une seule grande compétition par an peuvent le faire uniquement en consultant les évaluations-type. Cela peut leur éviter de rectifier la note qu’ils ont attribuée si elle diffère par trop de celle de leurs homologues, affichée globalement sur un tableau public dès le déroulement de l’épreuve jugée. C’est aussi pour éviter cette dérive dans l’arbitrage, que les grands centres organisateurs, tels Aix-la-Chapelle, orientent le tableau officiel d’affichage de telle façon que les juges ne puissent pas le consulter.
C’est évidemment vrai que le jugement d’une épreuve de dressage n’est pas forcément gratifiant pour le juge : en général, seul le gagnant de l’épreuve est satisfait du jugement. Celui-ci, parce qu’il est en grande partie le résultat d’interprétations, est toujours teinté de subjectivité ; ce qui provoque dans bien des cas des discussions interminables sur le classement. Depuis l’apparition des reprises Kür, cette tendance de subjectivité s’est encore accrue : par exemple, pour juger la qualité de la chorégraphie ou le choix de la musique, tout est subjectif ou presque et affaire de goût personnel.
Une question aussi controversée que celle des jugements est celle de l’organisation des meetings. L’organisateur de l’événement sera satisfait si la star qu’il a réussi de déplacer pour sa compétition et grâce à laquelle il a pu faire une campagne publicitaire efficiente, en sort gagnante : cela veut dire que la star bien traitée reviendra lors du prochain événement. Et l’organisateur sait bien, en outre, que rien n’est plus interchangeable qu’un juge : celui qui prend trop de décisions impopulaires ne sera plus invité pour les événements ultérieurs. Il n’est plus question de pertinence des jugements, mais seulement de business. La majorité des juges ont intégré ce système et répondent favorablement aux appels des organisateurs. Et il n’est rare d’entendre dire (sous le manteau) : "Il y a trois manières de juger : tous ensemble, chacun de son côté et juger les célébrités". Et c’est, bien entendu, précisément pour ces célébrités, titrées à l’envi, que la question de savoir quelles méthodes d’entraînement elles utilisent serait totalement incongrue…
La comedia del’arte des grands champions se joue à huis-clos. Pour le public, restent les miettes de la démonstration clinquante.

Mon opinion personnelle
Sur le battage médiatique entrepris autour du concept Low, Deep, Round qui sous-tend la méthode d’hyperflexion, j’avoue mon étonnement devant la candeur des amateurs d’équitation confrontés à la dure réalité de la maltraitance animale à l’occasion des compétitions équestres qu’on leur présente comme des spectacles de cirque.
Voulez-vous savoir pourquoi la polémique autour de l’hyperflexion n’a strictement aucun intérêt pour moi ? Tout simplement parce que j’évite de confondre équitation avec compétition.
J’ai appris, comme beaucoup d’autres avant moi, les principes de base de l’équitation classique, non pour en faire une religion, mais pour les appliquer concrètement lorsque je travaille mes chevaux : l’art doit toujours suivre la nature et ne la contrarier jamais, disait Newcastle. Si, après plus de cinq cent ans de progrès collectif dans l’art d’employer les chevaux sous la selle, on en est encore à se demander si le principe du non-encapuchonnement a bien été validé par l’expérience et s’il en est véritablement devenu intangible, c’est qu’on est à côté de la plaque !
Et pourquoi donc sommes-nous à côté de la plaque ?
Tout simplement parce que nous voulons le beurre et l’argent du beurre, sans parler du "bonus" de la crémière. Nous voulons dominer le cheval pour en faire une bête de concours et empocher la gloire en sus… et, tant qu’à faire, l’argent qui va avec !
Cela n’a rien à voir avec l’équitation.
L’écuyer fait de l’équitation un art unique dont la sublimation n’a pas besoin de spectateurs parce que le travail réalisé ne l’est pas dans le but de briller devant un parterre de "juges" plus ou moins compétents, mais dans le seul intérêt du cheval. Ce travail-là est un exercice qui se pratique à l’ombre et non dans la lumière. Seul le cheval doit éclairer la nuit. C’est la servitude de l’écuyer ; mais c’est aussi sa grandeur.
À l’opposé de cela, il y a les gamins et gamines ignorantes. Mais il y a surtout les excités du score, qui ne sauraient vivre sans les feux de la rampe. Croyez-vous qu’ils ont, entre les interviews, les ronds-de-fesse et les séances d’entraînement en hyperflexion le temps de se préoccuper du bien-être de leur monture ? On n’est pas du même monde. Nous n’avons pas les mêmes valeurs, comme disait un charcutier sarthois. Nous n’avons surtout pas, ni les mêmes objectifs, ni les mêmes priorités.
Ce qui me désole dans cette affaire, c’est que peu de voix officielles françaises se soient élevées haut et fort contre la barbarie d’une méthode d’entraînement aussi stupide qu’exécrable. Ce qui me console partiellement, c’est que le classicisme allemand s’est réveillé du bon côté pour dire "NEIN, ROLLKÛR VERBOTEN" ! Je savais qu’ils étaient majoritaires, les amis de Reiner et de Ruth Klimke, ceux d’Egon von Neindorff, ceux de Xenophon et tant d’autres ; mais depuis quelques décennies, ils n’affirmaient plus vraiment leur vraie identité devant la montée orchestrée des dérives de toute nature et contre-nature.

Bernard Mathié, août 2012
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